Pneumonie par aspiration

Le diagnostic

Pour diagnostiquer la condition, on se fie à l’histoire rapportée par les propriétaires, aux symptômes exhibés par l’animal ainsi qu’à l’apparence des poumons à la radiographie. Le plus souvent, les lésions sont visibles dans les lobes pulmonaires situés le plus en avant de la cage thoracique. 

Avec des analyses sanguines, il est parfois possible d’observer une augmentation ou une diminution de nombre de cellules inflammatoires dans le sang. Ces changements sont souvent présents lorsqu’il y a une infection (peu importe l’origine) dans l’organisme mais leur absence n’exclue pas non plus une pneumonie. C’est grâce à la culture microbienne d’échantillons prélevés dans les voies pulmonaires que l’on peut confirmer la présence d’une infection. Pour ce faire, on peut effectuer un lavage trachéal ou un lavage bronchoalvéolaire. 

Il y a deux façons de faire un lavage trachéal. La première méthode se fait pendant que l’animal est éveillé ou tranquilisé de façon superficielle. Il s’agit d’insérer une aiguille à travers la peau entre deux anneaux de la trachée puis d’instiller une solution physiologique à l’aide d’une seringue. Ceci va stimuler le réflexe de toux qui favorisera l’expectoration des sécrétions. Par la suite, on aspirera le liquide injecté et on le soumettra pour analyse. 
L’autre méthode consiste à anesthésier l’animal pour une courte période afin de lui insérer un tube dans la trachée puis lui instiller la solution physiologique. L’anesthésie va abolir le réflexe de la toux et faire en sorte que le liquide sera plus difficile à prélever. Par contre, on peut palier à cet inconvénient en effectuant du coupage, ce qui va aider à mobiliser les sécrétions. Cette technique est préférable à la première dans le cas où l’animal a des problèmes de coagulation, si sa conformation rend la trachée difficile à isoler, s’il est agressif ou s’il vomit/régurgite (étant donné que ses voies respiratoires sont protégées pendant la procédure). 

Le lavage bronchoalvéolaire s’effectue aussi sous anesthésie générale. On insère un endoscope (caméra) dans la trachée que l’on fait progresser le plus loin possible puis on instille la solution dans les plus petites voies respiratoires. Cette technique offre l’avantage de pouvoir visualiser l’état des voies respiratoires et d’analyser les sécrétions provenant directement des zones des poumons les plus touchées.


Lorsqu’un chat régurgite ou vomit pour une raison quelconque, il arrive parfois que du contenu présent dans sa gueule ou son estomac soit inhalé dans les voies respiratoires. Étant donné que ce matériel est irritant et parfois même caustique, une pneumonie que l’on dit par aspiration peut s’en suivre.

Le premier stade du processus survient immédiatement après l’aspiration. Le contenu aspiré endommage le tissu pulmonaire ainsi que les vaisseaux sanguins et en plus, il attire des cellules inflammatoires localement. Par conséquent, les cellules pulmonaires meurent, les bronchioles se ferment, il y a hémorragie pulmonaire, la production de mucus augmente et de l’œdème pulmonaire s’accumule. Éventuellement, les parties du poumon atteintes s’affaissent.
Le deuxième stade du processus survient 4 à 6 heures après l’insulte initiale et dure entre 12 et 48 heures. Il s’agit de la phase inflammatoire qui perpétue les dommages déjà enclenchés. 

Ces deux stades représentent la «pneumonite» par aspiration. Lorsque des bactéries colonisent les voies respiratoires, c’est à ce moment que l’on parle de pneumonie. Ces bactéries peuvent être présentes dans le liquide aspiré ou envahir les poumons subséquemment. Il s’agit le plus souvent de bactéries présentes normalement dans le fond de la gueule.
En général, les symptômes présentés par l’animal incluent de la régurgitation, de la toux, de l’halètement ou de la difficulté à respirer. Il arrive aussi que l’animal ne démontre que des signes généraux tels que de l’abattement ainsi qu’une perte d’appétit. À l’examen physique, on peut observer de la fièvre, une augmentation de la fréquence respiratoire et une respiration laborieuse. De plus, des bruits anormaux peuvent être audibles à l’auscultation pulmonaire. À l’opposé, plusieurs animaux n’ont pas de fièvre et leur fréquence respiratoire ainsi que les bruits auscultés sont normaux.

Dans plusieurs circonstances, le risque qu’un animal développe une pneumonie par aspiration augmente. Par exemple, lorsque celui-ci doit être anesthésié ou fortement tranquilisé, s’il souffre d’une condition neurologique affectant l’œsophage ou le pharynx, s’il souffre de convulsions ou a subi un traumatisme crânien ou encore s’il a dû être nourri à l’aide d’un tube placé dans son estomac. Finalement, de la douleur ou de l’anxiété ainsi que n’importe quelle condition causant des vomissements ou de la régurgitation vont prédisposer un animal à aspirer du contenu digestif. De placer l’animal au jeûne pendant quelques heures avant de l’anesthésier est un moyen par lequel on peut réduire le risque d’aspiration.



Le traitement

Dans l’attente des résultats de la culture des sécrétions, un traitement d’antibiotiques couvrant un grand éventail de bactéries sera instauré. Au début, il peut s’avérer nécessaire de les administrer par injection lorsque l’état de l’animal est instable. Dès qu’il pourra les tolérer, on passera à la médication par voie orale.

Un animal souffrant de pneumonie par aspiration est souvent anorexique et déshydraté. De plus, il perd davantage de fluides corporels par ses voies respiratoires compte tenu du fait qu’il a de la difficulté à respirer et qu’il y a augmentation de production de mucus. Pour ces raisons, il sera important de lui administrer des solutés par voie intraveineuse pour combler ses déficits hydriques et pour liquéfier les sécrétions qui seront alors plus faciles à évacuer. Par contre, il devra être surveillé étroitement afin de détecter toute apparition d’œdème pulmonaire. En effet, étant donné que ses vaisseaux sanguins pulmonaires sont plus perméables en présence de pneumonie, les fluides administrés pourraient s’accumuler dans le tissu pulmonaire. 

La nébulisation et le coupage sont d’autres façons de faciliter l’expectoration des sécrétions. La nébulisation consiste à faire respirer des vapeurs de solution saline à l’animal qui vont humidifier les sécrétions pulmonaires qui seront alors plus facilement éliminées. En ajoutant certains antibiotiques à la solution saline, ceux-ci peuvent atteindre une concentration plus élevée dans les petites voies respiratoires. 

Pour effectuer du coupage, la personne place ses mains en forme de cuillère de part et d’autre de la cage thoracique de l’animal qu’elle frappe selon un rythme régulier en appliquant la force nécessaire pour dégager les sécrétions collées sur les parois des voies respiratoires. Ceci sera d’autant plus efficace si l’on encourage l’animal à marcher. Si celui-ci n’est pas capable de se déplacer, il est utile de le changer de position à toutes les 4 heures afin de mobiliser les sécrétions.

Lorsqu’elles sont très visqueuses et/ou très abondantes, il peut être avantageux d’utiliser des mucolytiques. Ces médicaments vont briser les molécules de mucus et les rendre moins visqueuses. Elles seront alors plus faciles à éliminer. Ces produits ont aussi des effets antioxydants et immunomodulateurs, c’est-à-dire qu’ils tempèrent la réaction inflammatoire présente.


Dans certaines circonstances où les bronches de l’animal se contractent, l’utilisation de bronchodilateteurs peut parfois être utile parce qu’en plus du fait que ces médicaments ouvrent les bronches, ils aident à l’élimination des sécrétions en les liquéfiant et ont aussi un effet antiinflammatoire. Par contre, les bronchodilatateurs sont associés à certains inconvénients. Par exemple, ils peuvent favoriser la progression de la maladie puisqu’ils suppriment le réflexe de la toux et l’expectoration des sécrétions. Par conséquent, celles-ci peuvent se propager dans des régions des poumons qui n’étaient pas atteintes auparavant. Ils peuvent également augmenter la fréquence cardiaque et stimuler le système nerveux central. Pour ces raisons, l’utilisation des bronchodilatateurs est controversée et ils ne sont pas recommandés lorsqu’un animal a une maladie cardiaque. 


Lorsque l’animal est en détresse respiratoire ou que les moniteurs indiquent une baisse d’oxygène dans le sang, on voudra le supplémenter en oxygène. On peut le placer dans une cage à oxygène, lui insérer une canule dans le nez ou placer un tube devant son nez duquel sort de l’oxygène. Si ces méthodes ne sont pas suffisantes pour faire augmenter son taux d’oxygène dans le sang ou que l’animal court un risque imminent de faire un arrêt respiratoire, il peut s’avérer nécessaire de procéder à la ventilation mécanique en lui insérant un tube dans la trachée pour lui administrer l’oxygène dont il a besoin.

L’animal aura besoin d’être surveillé étroitement par la suite afin de détecter toute détérioration dans son état de santé et ajuster les traitements selon l’évolution de sa condition. En effet, il peut arriver que l’inflammation présente dans les poumons soit si importante qu’elle finisse par atteindre tout l’organisme et cause la dysfonction des organes, en particulier du foie et des reins. C’est ce qu’on appelle le syndrome de réponse inflammatoire systémique. On voudra faire le suivi de ses signes vitaux tels que la fréquence respiratoire et cardiaque, la température ainsi que la pression sanguine. On surveillera également son niveau d’oxygène dans le sang. Avec les analyses sanguines, on pourra évaluer, entre autres, l’état du foie et des reins ainsi que l’évolution du nombre de cellules inflammatoires dans le sang. 

Éventuellement, le patient sera assez stable pour tolérer la médication par voie orale. Il pourra obtenir son congé lorsqu’il maintiendra un niveau d’oxygène adéquat dans le sang en respirant l’air libre et qu’il n’aura plus de difficulté à respirer, et lorsqu’il mangera et s’abreuvera assez pour rester bien hydraté. Les radiographies devront être reprises à toutes les deux semaines jusqu’à ce que toutes les lésions observées soient disparues. Les antibiotiques devront être poursuivis pendant au moins 3 à 4 semaines puis 1 à 2 semaines suivant la résolution des lésions radiographiques pour s’assurer que l’infection a été complètement éradiquée. Avec le traitement de support, le pronostic (chance de survie) est considéré comme étant réservé à bon. 

Dre Isabelle Lacombe M.V.

RÉFÉRENCES :
Schulze, H.M. and Rahilly, L.J. Aspiration Pneumonia in Dogs : Pathophysiology, Prevention, and Diagnosis. Compendium on Continuing Education for the Practicing Veterinarian. Volume 34, numéro 12, décembre 2012.
Schulze, H.M. and Rahilly, L.J. Aspiration Pneumonia in Dogs: Treatment, Monitoring, and Prognosis. Compendium on Continuing Education for the Practicing Veterinarian. Volume 34, numéro 12, décembre 2012.