Fistules Périanales

Votre Berger Allemand de 6 ans a-t-il beaucoup de difficulté à évacuer ses selles depuis un certain temps? La défécation semble-t-elle douloureuse? Est-ce qu’il force comme s’il était constipé? Y a-t-il du sang sur ses selles? Se frotte-t-il les fesses par terre fréquemment? Se lèche-t-il la région anale de façon compulsive? Y a-t-il une odeur nauséabonde provenant de cette région? Et bien, il est possible qu’il souffre de fistules périanales.

Définition

Les fistules périanales sont des ulcérations présentes dans les tissus entourant l’anus qui rejoignent la peau par des trajets fistulaires. Ces fistules sont très douloureuses et il y a fréquemment des infections bactériennes secondaires (i.e. les infections se développent suite à l’apparition des fistules plutôt qu’en être la cause). Il peut y avoir une ou plusieurs fistules. Dans certains cas, l’anus en est complètement entouré. C’est une maladie chronique et progressive qui nécessite une surveillance à vie et parfois même aussi des traitements à vie. De plus, les fistules périanales sont souvent difficiles à traiter.

La cause

La cause exacte de cette maladie n’est pas connue mais il semblerait que plusieurs facteurs soient impliqués. 

Premièrement, étant donné la réponse favorable de la condition aux médicaments immunosuppresseurs, on pense qu’un dérèglement du système immunitaire serait en cause. Deuxièmement, il semble y avoir une relation étroite entre les fistules périanales et les allergies alimentaires. Finalement, l’hérédité pourrait aussi être impliquée parce que les Bergers Allemands représentent la race la plus affectée par cette maladie (84% des chiens affectés appartiennent à cette race). Les autres races ayant été rapportées incluent les Setters Irlandais, les Collies, les Border Collies, les B ergers Anglais, les Labradors, les Bulledogues Anglais, les Beagles, les Bouviers des Flandres, les épagneuls et les races croisées. La condition est plus fréquente chez les chiens dont la moyenne d’âge se situe entre 4 et 7 ans.

Les symptômes

Les symptômes les plus souvent remarqués par les propriétaires sont de la difficulté à passer des selles, de la douleur lors de la défécation, du sang dans les selles, de la constipation ou de la diarrhée, des selles en forme de ruban, une augmentation de la fréquence de défécation, des sécrétions purulentes ou des saignements dans la région autour de l’anus, du léchage ou de l’automutilation, de la douleur périanale, une odeur nauséabonde provenant de la région, un maintien de la queue basse ainsi qu’une perte de poids.

Le diagnostique

Le diagnostique est généralement basé sur le signalement de l’animal, l’histoire rapportée, les symptômes observés ainsi que les anomalies révélées par l’examen physique. Étant donné que la condition entraîne souvent des symptômes similaires à d’autres maladies, entre autres les inflammations du colon, il est possible qu’une visualisation du colon à l’aide d’une caméra (colonoscopie) ainsi que l’obtention de biopsies soient nécessaires pour confirmer le diagnostique. Il arrive parfois que les fistules en viennent à impliquer les sacs anaux (deux petits sacs présents de part et d’autres de l’anus qui se remplissent de sécrétions et dont la fonction primaire est de marquer le territoire de l’animal lorsqu’ils se vident lors du passage des selles). Dans ce cas, le traitement des fistules peut devenir très difficile et les récidives sont fréquentes. Il sera donc très important de vérifier l’état des sacs anaux lors du diagnostique des fistules.

Traitement

Le traitement peut se faire de façon chirurgicale et/ou médicale. Différentes méthodes chirurgicales peuvent être utilisées dans le but de retirer les tissus affectés et de prévenir les récurrences. Elles incluent l’excision au scalpel ou au laser, la cautérisation chimique ainsi que la cryothérapie. Étant donné que les récurrences sont fréquentes avec l’une ou l’autre de ces techniques et que certaines des complications associées (rétrécissement de la taille de l’anus, incontinence fécale, déhiscence des plaies, léchage intermittent, diarrhée, constipation, etc) peuvent être sérieuses, l’option médicale est souvent choisie comme première ligne de traitement. S’il y a implication des sacs anaux, leur excision chirurgicale peut s’avérer nécessaire lorsque le traitement médical seulement n’est pas efficace.
 
Il y a trois volets au traitement médical : la médication, la diète et l’hygiène. La médication consiste à utiliser des médicaments immunosuppresseurs seuls ou en combinaison, par voie orale et/ou en application locale afin d’obtenir, premièrement, une rémission, c’est-à-dire la guérison des lésions. C’est ce que l’on appelle la phase d’induction. Une fois cet objectif atteint, les doses pourront être diminuées progressivement jusqu’à atteindre des doses de maintien qui préviendront la réapparition de ces lésions. Les médicaments les plus utilisés sont la cyclosporine, le kétoconazole, la cortisone, l’azathioprine et le tacrolimus (en application locale). À ce jour, il semblerait que le traitement le plus efficace soit la cyclosporine combinée ou non avec le kétoconazole ainsi que le tacrolimus appliqué localement en phase de maintien à long terme afin de prévenir les récidives. 

Chacun de ces médicaments est associé à des effets secondaires plus ou moins graves. Avec la cyclosporine, on retrouve de la diarrhée et des vomissements, de la prolifération des gencives et de l’hirsutisme à plus long terme et, plus rarement, des verrues, des infections fongiques et bactériennes atypiques ainsi que des dermatites s’apparentant au psoriasis.
 
Avec le kétoconazole, que l’on combine fréquemment à la cyclosporine afin de diminuer le coût du traitement, il est possible d’observer comme effet secondaire une perte d’appétit, des vomissements et de la diarrhée, une toxicité au foie, une diminution du nombre de plaquettes sanguines (cellules impliquées dans la coagulation) ainsi que des réactions cutanées telles une perte de poils et des démangeaisons. 

La cortisone, quant à elle, est souvent associée à une augmentation de l’appétit, de la consommation d’eau ainsi que de la production d’urine.
 
Les effets secondaires les plus fréquemment associés à l’administration d’azathioprine sont la suppression de la moelle osseuse ainsi qu’une toxicité au foie. Des tests sanguins seront donc requis périodiquement afin de détecter l’apparition de ces anomalies.
 
En ce qui concerne le tacrolimus, aucun effet secondaire ne semble y être associé. Tel que mentionné plus haut, il est surtout approprié de l’utiliser comme traitement de maintien à long terme pour prévenir les récurrences mais il peut aussi être utilisé initialement, comme seul traitement, lorsque les lésions sont légères. Par contre, dans ce cas, les récurrences sont fréquentes après l’arrêt du médicament (environ 50% des cas). 

Le deuxième volet de la thérapie médicale consiste à changer de diète en faveur d’une nourriture dite hypoallergène à base de poisson et de pommes de terre ou encore une nourriture dont les protéines ont été hydrolysées (altérées chimiquement afin de ne pas être reconnues par le système immunitaire). Cette nouvelle diète est généralement introduite durant la phase de maintien. 

Finalement, le troisième volet de la thérapie médicale requière le maintien d’une bonne hygiène de la région affectée. Celle-ci devra être rasée, nettoyée et gardée sèche en tout temps. L’utilisation d’antibiotiques sera de mise afin de contrôler les infections bactériennes secondaires. 


Dre Isabelle Lacombe M.V. 

RÉFÉRENCE : 
Pieper, J. et McKay, L. Applied Dermatology : Perianal Fistulas. Compendium on Continuing Education for Practicing Veterinarians. Septembre, 2011.