Uvéite antérieure féline

Qu'est ce que l'uvéite?

L’uvéite se définit comme étant une inflammation de la couche vascularisée de l’œil. Il s’agit souvent d’une manifestation d’une maladie généralisée. Il a d’ailleurs été rapporté qu’une condition sous-jacente a été trouvée jusque dans 70% des cas d’uvéite. Étant donné qu’il y a plusieurs causes possibles pouvant engendrer les mêmes symptômes au niveau des yeux, le diagnostique précis peut s’avérer difficile à trouver de même que le traitement approprié. Il est d’ailleurs très important de traiter rapidement et agressivement pour tenter d’éviter l’apparition de complications telles qu’un glaucome (augmentation de la pression oculaire), une (sub)luxation du cristallin, des cataractes (opacification du cristallin) ainsi qu’une cécité pouvant être permanente. Les causes potentielles peuvent être d’origine infectieuse (le plus souvent), immunitaire, tumorale, traumatique et idiopathique (pas de cause identifiée, environ 70% des cas).

L’uvée est composée de 3 parties. La première est l’iris (partie colorée de l’œil) qui sert à contrôler la quantité de lumière qui entre dans l’œil. La deuxième partie est le corps ciliaire (situé à la base de l’iris) qui produit l’humeur aqueuse (le liquide présent derrière la cornée). Dans le corps ciliaire se situe ce qu’on appelle la barrière sang-eau qui contrôle l’entrée de molécules dans l’œil. En effet, elle empêche les protéines et les cellules inflammatoires d’entrer dans l’humeur aqueuse. La troisième partie de l’uvée est la choroïde qui est la continuation du corps ciliaire et qui sert à apporter le sang jusqu’à la rétine.

Symptômes

Lorsque l’uvée est endommagée pour une raison quelconque, des protéines et autres cellules inflammatoires pénètrent dans l’œil à travers la barrière sang-eau dorénavant plus perméable. Il y a alors de la douleur oculaire qui se traduit par des écoulements, de l’évitement de la lumière (photophobie) de la part de l’animal, de l’enfoncement de l’œil dans son orbite (énophtalmie) ainsi que la fermeture des paupières (blépharospasme). D’autres signes peuvent également être présents comme de la rougeur des conjonctives, de l’œdème cornéen (perte de transparence de la cornée), des dépôts de protéines et cellules inflammatoires en suspension dans la chambre antérieure de l’œil ou collés sur la face interne de la cornée (précipités kératiques), présence de sang (hyphème) ou de pus (hypopyon) dans la chambre antérieure, de la miose (rétrécissement de la pupille), un épaississement (irite) ou un changement de couleur de l’iris ainsi que des synéchies postérieures (adhérences entre l’iris et le cristallin). 

Lorsque l’inflammation atteint la portion postérieure de l’uvée, on peut alors observer une infiltration de cellules dans le corps vitreux (situé derrière le cristallin), de l’inflammation choriorétinique se traduisant par des hémorragies focales ou généralisées, un décollement de la rétine causée par une infiltration de liquide et des granulomes (aggrégats de cellules inflammatoires). Dans les cas sévères, l’animal peut devenir aveugle. 

Diagnostics

Mis à part un examen physique complet de l’animal ainsi que la collecte d’informations concernant son état de santé, une série de tests doivent être effectués afin de tenter de déterminer la cause de l’uvéite. Des tests sanguins et urinaires seront de mise afin d’évaluer l’état général de l’animal et d’obtenir un minimum d’informations de base.
Il faudra aussi examiner toutes les structures de l’œil, y compris le fond de l’œil, ainsi qu’en évaluer l’innervation. De plus, il faudra mesurer la pression dans l’œil qui sera typiquement diminuée en présence d’uvéite. On pourra aussi effectuer un test de Schirmer afin de vérifier si l’œil sécrète assez de larmes ainsi qu’un test de fluorescéine pour voir s’il y a un ulcère (trou) sur la cornée. Selon la cause soupçonnée, des tests plus poussés pourraient être requis tels que des radiographies thoraciques, une échographie abdominale ainsi que des analyses sérologiques (détermination du nombre d’anticorps dirigés contre certains microorganismes).

Uvéite causée par un virus

Parmi les causes infectieuses d’uvéite, on retrouve des virus, des bactéries, des champignons et des parasites. 

Le virus d’immunodéficience féline (FIV) infecte plus fréquemment les mâles allant à l’extérieur puisqu’il se transmet surtout lors de morsures. Les signes d’infection, dont l’atteinte aux yeux, peuvent ne jamais apparaître ou encore ne pas apparaître avant l’âge de 4 à 6 ans. On observe surtout des conjonctivites en plus de l’uvéite antérieure. D’autres signes sont parfois aussi présents comme par exemple, un glaucome, une luxation de cristallin ainsi que de l’inflammation à la jonction entre le corps ciliaire et la rétine. Le pronostique varie selon la sévérité de l’immunodéficience. Tant que la condition peut être contrôlée avec des antiinflammatoires et des analgésiques, il n’est pas conseillé de faire euthanasier les chats sidatiques. Par contre, si les signes oculaires sont sévères et ne répondent pas au traitement alors l’énucléation peut être une option viable.

Le virus de la leucémie féline se transmet, quant à lui, lors du toilettage mutuel ou lorsque les chats partagent les mêmes bols de nourriture et d’eau ou encore par les morsures. Les signes d’atteinte ophtalmique incluent un lymphome (tumeur), une iridocyclite (inflammation de l’iris et du corps ciliaire), du l’hypopyon, des précipités kératiques ainsi qu’une choriorétinite. L’animal peut rester asymptomatique durant des années tant que le virus n’a pas envahi les cellules de la moelle osseuse où il va se multiplier. Par contre, une fois l’apparition des symptômes, entre 70 et 90% des chats vont survivre entre 1,5 et 3 ans.

La péritonite infectieuse féline (PIF) est une maladie causée par un coronavirus. C’est lorsque ce virus essentiellement inoffensif subit une mutation que la PIF apparaît. Cette maladie qui est toujours fatale atteint plus souvent les chats de races pures. Parmi les manifestations oculaires, on retrouve une uvéite avec dépôt de matériel fibreux dans la chambre antérieure, une choriorétinite granulomateuse, une infiltration de cellules inflammatoires autour des vaisseaux sanguins de la rétine, un décollement de la rétine ainsi qu’une inflammation du nerf optique.

Le virus Herpes cause la rhinotrachéite infectieuse féline que l’on appelle communément la grippe des chats. Il cause principalement des conjonctivites ainsi que des ulcères cornéens. Il semblerait également être capable d’induire des uvéites. Étant donné que le virus reste dans l’organisme du chat à vie, le pronostique est variable. Durant les périodes de stress, il peut y avoir récidive des symptômes.

Uvéite causée par une bactérie

Un autre agent infectieux pouvant causer des uvéites est la bactérie Bartonella hensalae. Bien que le chat soit son hôte principal, elle peut aussi infecter l’être humain. Elle cause des uvéites généralement chroniques parce que la bactérie peut survivre plusieurs années à l’intérieur des cellules de son hôte. Selon la localisation géographique, jusqu’à 93% des chats lui ont été exposés. Pour établir un diagnostic, il faut donc effectuer plusieurs tests et exclure les autres causes d’uvéite étant donné la grande proportion de chats normaux ayant développé des anticorps contre la bactérie suite à un contact avec celle-ci.

Uvéite causée par un champignon

Il existe aussi plusieurs champignons pouvant causer des lésions au niveau des yeux en plus des lésions généralisées dans l’organisme. Les lésions oculaires consistent en des précipités kératiques, de l’accumulation très dense de pus dans la chambre antérieure, des granulomes sur la rétine ainsi qu’un décollement de rétine. Avec la coccidiomycose, on peut parfois aussi observer de l’énophtalmie, de la rougeur et de l’œdème des conjonctives ainsi que la présence de fins vaisseaux sanguins sur la cornée (néovascularisation). Peu importe l’organisme fongique impliqué, le traitement doit généralement être administré pendant de longues périodes, ce qui peut s’avérer être très onéreux.

Uvéite causée par un parasite

Finalement, parmi les causes infectieuses d’uvéite, on retrouve les parasites. Toxoplasma gondii (l’agent responsable de la toxoplasmose) est un organisme microscopique vivant à l’intérieur des cellules des chats. Lorsque les œufs du parasite sont évacués dans leurs selles et exposés à l’air ambiant pendant une certaine période, ils deviennent alors capables d’infecter d’autres animaux, y compris l’être humain. Les signes classiques d’infection oculaire chez les chats incluent des nodules gris sur les iris, plusieurs lésions grises sur la portion réflective du fond de l’œil ainsi que des infiltrations duveteuses blanches sur la portion non-réflective du fond de l’œil. Le traitement est souvent frustrant parce que l’élimination complète de l’organisme est pratiquement impossible à faire.

Il arrive parfois que certains parasites logés dans la peau (Ceterebra) ou dans le tube digestif (Toxocara) des chats peuvent se mette à migrer dans l’organisme et se retrouver au niveau des yeux où des larves ou des traces de leur passage peuvent être visibles sur le fond de l’œil en plus que d’autres lésions telles que de la nécrose (mort cellulaire) et des hémorragies au niveau du nerf optique. Ces lésions peuvent parfois être accompagnées de signes neurologiques comme des changements de comportement, de la dépression et de la cécité causés par le déplacement du parasite dans le système nerveux central.

Uvéite à médiation immunitaire

Parmi les nombreuses causes d’uvéite à médiation immunitaire, celles reliées à la formation de cataractes sont bien reconnues. Il y a d’abord l’uvéite phacolytique qui est causée par la fuite lente de protéines à travers l’enveloppe intacte du cristallin opacifié. L’uvéite phacoclastique, quant à elle, survient lorsqu’une grande quantité de protéines du cristallin fuient d’un seul coup suite à la rupture de son enveloppe comme par exemple lors d’un traumatisme perforant. Dans un tel cas, un certain type de tumeur que l’on appelle sarcome peut se développer dans l’œil affecté. Comme les métastases sont pratiquement inévitables avec ce type de tumeur, l’œil devrait être enlevé le plus rapidement possible.
Cependant, le mélanome diffus de l’iris demeure la cause néoplasique (tumorale) la plus fréquente d’uvéite chez le chat. Il apparaît comme une tache brune-noire et aplatie ressemblant à une tache de rousseur. À ne pas confondre avec d’autres lésions bénignes d’apparence similaire comme la mélanose de l’iris et les kystes de l’uvée. Bien que le seul moyen de différencier ces conditions est la biopsie, on peut soupçonner la tumeur par son apparence veluteuse, la nature coalescente des lésions avec le temps ainsi que l’atteinte d’un seul œil. Lorsque les lésions envahissent la sclérotique (partie blanche du globe) et l’angle iridocornéen avec le développement subséquent de glaucome, l’indice de suspicion de mélanome augmente considérablement. Étant donné que le taux de métastases relié à cette tumeur est de 63%, il est aussi recommandé d’enlever l’œil.

Uvéite causée par un traumatisme

Les traumatismes constituent aussi une cause fréquente d’uvéite. Ces traumas peuvent survenir à la suite d’un accident, d’une chirurgie oculaire ou d’un ulcère cornéen. Le pronostique pour la vision et la viabilité des structures ophtalmiques dépend de la nature et de l’étendue des lésions. Lorsqu’il y a hémorragie importante, le pronostique est, au mieux, réservé.

On rapporte que dans jusqu’à 70% des cas d’uvéite, aucune cause sous-jacente n’est identifiée. Il est tout de même important d’investiguer pour tenter de découvrir la cause afin de pouvoir la traiter de façon spécifique si possible. 

Malheureusement, même si l’on traite une uvéite idiopathique de façon agressive, les récidives sont fréquentes.

Traitement

Peu importe la cause de l’uvéite, le but du traitement vise à stabiliser la barrière sang-eau, à diminuer l’inflammation, à contrôler la douleur, à prévenir les complications oculaires ainsi qu’à préserver la vision. Le choix de la médication et la fréquence d’administration dépendront de la sévérité de la condition. Brièvement, des antiinlammatoires pris par la bouche ainsi qu’appliqués directement dans les yeux devront être prescrits à moins que la cornée ne soit endommagée. Dans le cas où les pupilles seront contractées, il faudra appliquer une solution qui les dilatera et ce, afin de diminuer la douleur et de minimiser le risque que l’iris n’adhère au cristallin. Enfin, si la cause de l’uvéite a été trouvée alors il faudra administrer le traitement spécifique.

 

RÉFÉRENCES:
Shukla, A. et Pinard, C. Feline Uveitis. Compendium on Continuing Education for the Practicing Veterinarian, septembre 2012. Volume 34, numéro 9.